Souriant, chaleureux et curieux du monde. Chef de L’Atelier Robuchon – deux étoiles Michelin – et du Jardinier, les restaurants de l’hôtel The Woodward Auberge, à Genève, Olivier Jean est un passionné de saveurs. De Monaco à Taïwan, en passant par le Québec ou Miami, il infuse dans ses assiettes un délicat soupçon d’ailleurs. Avec toujours cette même envie : faire plaisir.
Comment est née votre passion pour la cuisine?
Celaremonte à l’enfance. J’ai voulu faire ce métier depuis l’âge de 6 ans. Je me considère chanceux d’avoir eu cette vocation si tôt. J’ai été attiré par le fait de créer et aussi par la générosité de la cuisine. J’éprouve une profonde fierté d’être au service des gens. Quand quelqu’un va au restaurant, étoilé ou non, il vient avec l’envie de passer un bon moment et nous allons tout faire pour que ce soit le cas. Et c’est assez génial ! Ma passion pour la cuisine est venue du plaisir d’apporter du bonheur à quelqu’un. Je viens d’une famille d’épicuriens avec une mère qui cuisine très très bien. Nous sommes une fratrie de trois garçons et une fille, mais je suis le seul à être chef.
Vers 13 ou 14 ans, l’idée de entrer à l’école hôtelière se dessine vraiment et à 15 ou 16 ans, quand je commence ma formation, c’est une explosion de joie. Durant mes années d’apprentissage, j’ai fait beaucoup de concours qui m’ont amené à Monaco où j’ai été débauché par Joël Robuchon.

Vous êtes alors très jeune.
Je dois avoir 22 ou 23 ans et je rentre chez Robuchon, à Monaco. C’est génial et j’adore ! Quand j’étais à Monaco, je me suis aperçu qu’une grande partie de la clientèle était cosmopolite. Selon la partie du monde, on mange un peu moins salé, un peu plus acide, sucré… Je me suis donc demandé ce qui fait un bon chef. Parallèlement, j’ai toujours aimé l’idée de dépassement de soi. Comment peut-on s’améliorer ? Comment être meilleur dans son métier et en tant que personne ? Donc j’avais très envie de partir à l’étranger pour progresser, apprendre.
On était en 2010. Les voyages à bas prix se démocratisaient, les frontières s’ouvraient. Je voulais partir à l’étranger. J’en parle à Monsieur Rebuchon qui me propose un poste de sous-chef au Liban. Mais je devais d’abord passer par Paris pour une sorte d’entraînement peu comme un stage avant le départ. Après quelques mois, il me dit : « Olivier, tu vas devenir chef finalement et pas sous-chef, mais à l’Atelier Robuchon, Taipei. » J’y suis resté six ans, nous avons obtenu deux étoiles Michelin. Ensuite, j’ai proposé ma candidature pour Miami comme chef. Et là, Joël Robuchon ne me répond pas. C’était quasiment impossible car il répondait à tous les mails et aux messages. Il y passait des jours. A ce moment-là, j’ai eu peur de l’avoir vexé. En fait, il est venu quelques mois plus tard à Taïwan et il m’a proposé Genève.
Ce n’est pas un peu décevant quand on rêve de Miami ?
Au contraire ! Miami c’était super, mais Genève était un projet complexe avec l’hôtel de 26 suites, deux restaurants et un bar. Il m’a dit : « A Genève, il faut faire marcher sa tête. » J’ai dit oui tout de suite car c’était un honneur. Il y avait peut-être 45 ou 50 chefs qui auraient rêvé d’avoir cette place ici.
Monsieur Robuchon est décédé en 2018 et on a ouvert l’Atelier à Genève en 2021. Il fallait rassurer la clientèle qui s’attendait à certains standards, mais aussi la faire vibrer. On a travaillé avec amour et on a eu une étoile Michelin la première année et une deuxième l’année suivante.

Comment est la clientèle genevoise ?
J’ai eu la chance de cuisiner dans plus de douze pays à travers le monde et la clientèle genevoise fait partie de la plus belle clientèle que j’ai pu avoir dans ma vie. Je pense que c’est l’une des plus belles au monde. Il y a plusieurs raisons. Historiquement déjà, c’est une clientèle élégante avec des gens installés ici, mais qui voyagent. Les personnes qui viennent au restaurant sont raffinées dans leur manière de manger. C’est le cas aussi bien dans un restaurant gastronomique que dans une brasserie.
Les clients ont une réelle connaissance du produit et ils sont épicuriens. Il y a aussi la diversité. Les gens vont apprécier de la grande cuisine comme des filets de perche ou une bonne saucisse avec des frites.
Intégrez-vous dans votre cuisine des influences des pays où vous avez vécu ?
Oui, destechniques, des goûts, plein de choses. En Asie, j’ai appris des techniques de cuisson, de marinade et de coupe. Aux Etats-Unis, c’était le saumurage. Quand on plonge un produit dans une saumure sèche ou une saumure liquide, on obtient un goût différent.
En Inde, j’ai été marqué par la cuisson du riz que l’on fait imbiber dans l’eau avant de le cuire.
Il y a des choses à apprendre partout. En France, le chef d’un restaurant de cabaret m’a fait découvrir une technique de croque-monsieur qu’il tenait d’un grand traiteur lyonnais.
Au Québec, où j’ai fait l’ouverture de l’Atelier Robuchon, j’ai découvert le sirop d’érable. Il y a un côté très fumé, très poivré, c’est intéressant.

Et à Genève ?
Il y a des plats que j’apprécie beaucoup comme les filets de perche de La Coupole que je dois apprendre à faire. Et il y a, bien sûr, la fondue avec le vacherin et le gruyère.
Pour les produits, je travaille notamment un bœuf Black Angus exceptionnel qui vient du canton de Berne et le gruyère. C’était il y a deux ans, nous étions à la fin de la saison des truffes noires. Nous n’allions plus rien avoir à râper devant le client, ce qui était dommage. J’ai donc eu l’idée d’un plat où l’on râperait du gruyère devant le client. C’est comme cela que le soufflé vapeur au gruyère, servi avec un râpage de fromage à la minute devant le client, est devenue une signature de l’Atelier Robuchon, à Genève.

Vous avez participé à l’une des éditions de la Veggie Week.
Je travaille effectivement tout ce qui est végétal. Quand je suis arrivé en Asie, j’ai découvert différents types de clientèles végétariennes, notamment les végétariens bouddhistes. Ils ne mangent pas de bulbes, par exemple l’ail, ni de gingembre. Dans la culture bouddhiste, ces ingrédients peuvent susciter le désir, ce qui est va à l’encontre de ce que recherchent les pratiquants. En fait, tout mon parcours de chef a été bercé par cette cuisine végétarienne.
Je goûte chaque jour 130 à 140 cuillerées, du matin au soir. Pour garder la forme physique, j’ai adopté un régime avec beaucoup de salades et de légumes et je privilégie les protéines maigres. Je ne suis pas végétarien. Mais je trouve que dans un menu de dégustation avec cinq ou six plats, il est important d’en avoir un ou deux végétariens. Cela crée une expérience et allège aussi le menu. La cuisine végétarienne est exigeante. On peut avoir du bœuf ou du saumon toute l’année. En revanche, on ne trouve pas de bonne tomate en décembre ou de belle courgette. La cuisine végétarienne est vraiment guidée par les saisons.
Un de vos plats ?
J’ai fait, par exemple, un tartare de betterave aux pommes et avocat, accompagné d’un sorbet à la moutarde verte.
https://fr.aubergeresorts.com/the-woodward/
