Une Cité de la musique à Genève ? A proximité des Nations Unies? Architecte et ancienne députée au Grand Conseil, Bénédicte Montant soutient le projet. Rencontre avec une amoureuse de Genève.
Est-ce l’architecte ou l’amateur de musique qui s’engage pour la Cité de la musique ?
Je crois avant tout qu’une ville, tout comme une personne, doit pouvoir se projeter dans l’avenir. La Cité de la musique illustre parfaitement un projet culturel qui pourrait devenir un élément emblématique de la ville. En tant qu’architecte, j’apprécie vraiment la manière dont la procédure a été menée et je suis convaincue par la qualité du projet. C’est un concours d’architecture, dont le jury était très représentatif et sérieux, qui a permis de retenir la meilleure proposition.
Pierre-Alain Dupraz, le lauréat, est un excellent confrère à la pointe de crayon très raffinée. Pour la Cité de la musique, la décomposition de la façade rend l’échelle du bâtiment presque immatérielle.
Le plus difficile dans l’architecture, c’est qu’il n’y a pas de vérité. On va de la bonne réponse à un projet à l’excellence.
Un tel projet est-il le rêve de tout architecte ?
En tant qu’architecte, on peut tout dessiner, de la tombe de sa grand-mère à la rénovation d’une ferme ou à la création d’un hôpital. A chaque fois, on entre dans un monde passionnant. La réalisation de bâtiments comme la Cité de la musique est prestigieuse, mais en réalité il n’y a pas de petite activité dans l’architecture. Tout est lié aux bipèdes pour qui on conçoit le lieu. C’est pour cela que la Cité de la musique est importante pour Genève. Si on prend l’exemple de Bilbao, la renommée internationale de la ville est venue avec la création du musée Guggenheim.
Dans le cas de la Cité de la musique, celle-ci répond en plus à un réel besoin puisqu’elle abritera l’Orchestre de la Suisse romande (OSR), qui est un héritage genevois. L’Orchestre ne dispose pas actuellement de locaux de répétition et de production adaptés et c’est l’une des seules formations européennes de ce niveau à ne pas avoir une résidence permanente. Quant à la Haute école de musique (HEM), elle est actuellement dispersée sur sept sites vétustes et exigus. Ce sera aussi un lieu ouvert à tous, ce qui est important.
Quel rapport entretenez-vous avec la musique ?
J’aime beaucoup la musique, mais je ne suis pas une grande experte. Je ne vais pas souvent aux spectacles mais je suis heureuse qu’ils existent. Genève est une ville de musique qui a été marquée par de grands opéras donnés au Grand Théâtre.
J’avais assisté à Genève, à l’Alhambra, à un concert du pianiste Chilly Gonzales que je ne connaissais pas. C’est un ami qui m’avait proposé de m’y accompagner et j’avais été bouleversée par l’approche contemporaine et un peu folle de Chilly Gonzales dans sa manière d’interpréter.
En fait, j’ai des goûts musicaux très éclectiques. J’écoute de grands classiques dont Rachmaninov, mais aussi de la musique italienne et des années 50. A une époque, je me faisais des cassettes avec toutes sortes de musiques que j’écoutais en fonction des moments de la journée.
J’en reviens à l’architecture. C’était une évidence pour vous ?
Non, je voulais être médecin ! Tout le monde dans ma famille l’était, alors cela me semblait logique de l’être aussi. Seulement je n’ai pas été très assidue et j’ai raté ma première année. Ma mère m’a accompagnée chez un conseiller d’orientation et c’est grâce à lui que je me suis tournée vers l’architecture. Franchement, je pensais faire amende honorable, suivre une année et retourner en médecine. Mais le premier cours que j’ai suivi était donné par un architecte italien qui a parlé des enjeux de société liés à l’architecture et je n’ai plus pensé une seconde à retourner en médecine.
Quels sont les architectes qui vous inspirent ?
Il y a notamment Alvar Aalto, il avait participé à la reconstruction de nombreuses villes en Finlande pour leur rendre leur identité. Chaque bâtiment, chaque objet est magnifique en soi et il les associe. Je pense aussi à son célèbre vase à tulipes. Il a été dessiné pour que les fleurs puissent s’y installer, comme dans un fauteuil.
J’aime aussi le travail d’Henry-Jacques qui a beaucoup construit à Megève. Il a amené à penser autrement, apporté la modernité dans les montagnes. Il a réalisé plus de 200 « petits chalets du skieur »avec une règle de composition très claire: tout ce qui touche le sol est en maçonnerie et crépis et le bois n’intervient qu’au niveau de la charpente.
Vos bâtiments préférés à Genève ?
La maison Clarté du Corbusier. Y habiter, c’est vivre dans une œuvre d’art. Il y a aussi les ensembles Braillard, qui datent des années 30, aux Eaux-Vives, et l’ancien cinéma Paris où l’on passait les films de Disney.
Les villes qui vous sont chères ?
Je suis tiraillée entre Naples, qui est une boîte à secrets et qu’il faut comprendre, et New York, qui est très claire, numérotée et dont on saisit tout de suite le fonctionnement.
J’aime les villes, c’est ce qu’il y a de plus beau, mais j’avoue commencer à apprécier la campagne.
Quels sont vos lieux de promenade à Genève ?
Plainpalais où j’ai longtemps eu mon bureau avec le marché aux puces et le cirque, en septembre, qui marque la rentrée. Il y a aussi les Bains des Pâquis que j’ai beaucoup fréquentés avec mes enfants. Selon les heures, le public est complètement différent, on le voit vraiment changer. Et puis, j’aime aussi bien me balader vers Coutance et les Pâquis, des quartiers métissés et vivants.
