Du chocolat ! Encore du chocolat ! Rien que du chocolat ! Addict revendiqué, le chef pâtissier Yohan Coiffard préside aux destinées gourmandes de la nouvelle pâtisserie Tout Chocolat, à Vésenaz. Le chef revisite des pâtisseries traditionnelles en version 100% chocolat. Il a participé, avec son désormais célèbre chou, à la première Pastry Week genevoise en mars dernier.
Qu’est-ce qui vous a incité à vous lancer dans l’aventure de Tout chocolat ?
A l’époque, je partais de l’hôtel Beau-Rivage sans avoir de plan précis. J’avais seulement envie de tourner la page, de faire autre chose. Caroline Buechler, la cofondatrice du chocolat Orfève, m’a parlé de Benjamin Luzuy, qui est à la tête du groupe Gourmet Brothers. Elle m’a dit qu’il était un de ses copains et que je devais faire sa connaissance. C’est comme ça que tout a commencé. J’ai aussi un ancien collègue pour qui j’ai beaucoup de respect culinairement parlant qui travaille avec Benjamin, ce qui m’a aussi donné envie de le rencontrer. Benjamin a trouvé mon profil intéressant et m’a proposé de le rejoindre.
Avait-il déjà décidé d’ouvrir Tout Chocolat ?
Non, mais il avait dans l’idéed’ouvrir éventuellement une pâtisserie. Mais rien n’était décidé. C’était vraiment une page blanche. Il y avait tout à décider, tout à créer, tout à imaginer. Ensuite, avec Benjamin, nous avons commencé à parler plus sérieusement d’une pâtisserie. L’idée nous est venue avec Orfève d’un concept entièrement autour du chocolat. Je suis le premier à avoir travaillé leur chocolat en pâtisserie. C’était en 2017 ou 2018.

Avez-vous d’autres fournisseurs ?
Oui, Carrack, une autre maison genevoise. J’avais eu une tablette dans mes mains le dimanche, le lundi je leur envoyais un mail et le mercredi, j’étais avec eux dans leur laboratoire. Les deux maisons produisent de manière artisanale. J’utilise leur chocolat pour la pâtisserie fine car je veux des produits d’exception, des grands crus.
Vous avez choisi de revisiter toutes les pâtisseries traditionnelles…
Oui, pour commencer, j’ai voulu travailler des choses dans lesquelles les gens se retrouvent, et faire découvrir des chocolats que je trouve prestigieux. Ces chocolats sont le résultat d’une démarche qui consiste à sourcer des fèves de cacao dans le monde entier, à les ramener en Suisse et à les sublimer en travaillant de manière traditionnelle.
Comment faites-vous pour un Paris-Brest, par exemple, qui à la base n’a pas de chocolat ?
Le Paris-Brest, déjà, c’est une forme ronde. À l’origine, c’est un pâtissier breton qui l’a créé pour la course Paris-Brest, en clin d’œil à la roue du vélo. Donc, cette forme fait partie de l’identité de la pâtisserie. Ensuite, j’ai voulu lui donner ma touche personnelle. J’ai utilisé du vrai cacao que j’ai marié à un petit pourcentage d’huile de noisette pour apporter de la gourmandise et équilibrer le tout. Les éléments comme le chou et la crème sont proches de la version classique, mais je les adapte à ma manière.
Je crée pour me faire plaisir avant tout. Cette version est la mienne aujourd’hui, mais demain, elle pourrait être différente.
Qu’est-ce qui a été le plus difficile ?
Me satisfaire ! C’est ce que me disent ma femme et mes proches. Je suis exigeant, je ne suis jamais vraiment content. J’ai toujours l’impression que je pourrais faire mieux, surtout sur le plan gustatif. Je suis un éternel insatisfait, c’est un défaut chez moi.
La boutique était ouverte depuis une semaine que je pensais déjà à de nouvelles pâtisseries. Je suis en train de réfléchir à une version du millefeuille. C’est une exclu, je vous le dis. J’adore le millefeuille. J’ai envie de le retravailler autour du chocolat. Je le fais souvent en version Chat-Botté, le restaurant du Beau-Rivage, avec du chocolat Orfève et de la vanille. Mais cette fois, ce sera un millefeuille tout chocolat. Je vais aussi tenter une version à base de fruits rouges. Mais ce ne sera pas le millefeuille classique, ça, c’est sûr.

La pâtisserie a beaucoup évolué ces dernières années…
C’est ce qui fait la beauté de notre métier. Pousser les limites, voir jusqu’où on peut aller en pâtisserie. On peut s’exprimer librement. La pâtisserie, c’est un art.
Ma pâtisserie ne plaira pas à tout le monde, mais elle me ressemble. J’ai retrouvé des amis pâtissiers, des collègues de Genève, chacun a son style. Je pense, par exemple, à Titouan Claudet, le chef pâtissier du Woodward. Il fait des choses magnifiques, incroyables. Il est très pointu. Mais ce n’est pas ma pâtisserie. Je peux manger la sienne avec plaisir, mais je ne me vois pas la faire.
C’est ça qui est beau : on crée ce qu’on a envie de partager, ce qu’on a envie de faire vivre au client. Notre vision, notre passion. Et parfois, les clients s’y retrouvent.
Et vous, vos souvenirs d’enfance ?
Mon grand-père était pâtissier, puis charcutier-traiteur, puis cuisinier. Ses copains étaient pâtissiers. J’ai donc été élevé dans la gastronomie française. J’ai grandi avec les grands classiques. Je me souviens des éclairs de 150 grammes que faisait mon grand-père.
La pâtisserie était une évidence pour vous ?
La cuisine était une évidence. Je passais mes vacances chez mes grands-parents, dans leur restaurant. J’ai découvert toutes les spécialités qu’ils faisaient même si c’était parfois difficile à manger comme des cuisses de grenouilles avec l’ail et les herbes. Mais il y avait les desserts. Je les chipais dans la chambre froide. Je me souviens que mon parrain faisait des sortes de quenelles au chocolat. Quand j’ai annoncé à mes parents que je voulais être cuisiner, mon grand-père m’a dit : « Yoann, un conseil, commence par la pâtisserie. Tu vas apprendre la rigueur, l’art du détail, la finesse. Tout cela va t’aider ensuite pour le métier de cuisinier. »
Maintenant, ça fait 22 ans que je suis pâtissier. Je suis toujours en apprentissage. Je vais bientôt passer à la cuisine, peut-être. En fait, je me suis trouvé dans la pâtisserie. Je suis un bec sucré. Je mange une quantité astronomique de chocolat.
Uniquement du chocolat noir ?
Non, tant que c’est du bon chocolat, je mange tout. J’avoue, parfois j’ai besoin de mon Kinder Bueno, de mon Ferrero Rocher… Mais j’ai toujours mon petit carré de chocolat Orfève à portée de main. Et mes enfants sont comme moi, ils adorent le chocolat.
https://toutchocolat.ch/
