Genève, la haute horlogerie, le luxe et les paillettes. Mais aussi la contrebande et les réseaux mafieux. C’est le décor du dernier roman de l’écrivain genevois Olivier Rigot. Il signe, avec La fille de diamant (éd. Slatkine), un thriller prenant.
Vous êtes passé de l’univers du surf à voile dans La fille aux cerfs-volants à celui luxueux et feutré de l’horlogerie. Qu’est-ce qui vous a inspiré ce changement ?
Paradoxalement, c’est un secteur que je connais bien. D’abord, parce qu’en Suisse, on suit quand même toujours ce qui se passe sur ce marché ; ensuite, parce que dans le cadre de mon activité professionnelle d’analyste financier, je suis depuis de nombreuses années les grands groupes horlogers cotés en bourse. Et enfin, parce qu’avec un ami nous avons fait des montres.
C’est donc un secteur que je connais bien de l’intérieur, car j’ai vu comment nous avons construit nos deux petites marques à l’époque. Cette connaissance m’a donné l’idée de ce roman car dans l’horlogerie, comme on le voit dans le livre, il est possible de faire des trucs pas forcément très, très nets.
Vous n’êtes pas toujours tendre vis-à-vis de l’horlogerie…
Disons plutôt que derrière le monde des diamants et des paillettes, il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un business. Ma connaissance de cette industrie me permet d’apporter de la crédibilité à la fiction romanesque car, sans dévoiler l’intrigue, le système que je décris dans mon livre peut être très facilement mis en place dans la réalité.
En fait, il y a toujours deux aspects dans mes romans, qui ne sont pas de purs polars avec un meurtre et un policier qui entre en scène. Le côté thriller est là pour donner du suspense à l’histoire et un côté psychologique. L’écriture d’un thriller nous ouvre des horizons plus larges que le polar. Et puis dans La fille de diamant, il y a une histoire sentimentale moderne. J’ai beaucoup travaillé sur les rapports amoureux dans le monde actuel et sur la psychologie des personnages.
En travaillant sur le suspense et la psychologie, cela donne un liant qui fonctionne assez bien et j’ai eu de très bonnes réactions de lecteurs.
En fait, j’écris ce que j’appelle des thrillers psychologiques, c’est un peu ma marque de fabrique.
Vous n’avez jamais eu envie de créer un personnage récurrent ?
Effectivement, aujourd’hui, j’ai publié quatre romans et je n’ai jamais repris les mêmes personnages. Dans les deux premiers, j’avais laissé la porte ouverte pour la suite. Mais c’est vrai que jusqu’à maintenant, j’ai toujours préféré repartir de zéro et reconstruire des personnages nouveaux qui vont coller à l’histoire que j’ai envie d’écrire.
Quand j’aurai le temps, je reprendrai peut-être les deux personnages de L’héritage des Farazzi, c’est le seul de mes romans qui pourrait avoir une suite très différente.
Finalement, qu’est-ce qui vous plaît le plus : la construction des personnages ou imaginer l’intrigue ?
Les deux. Ils sont indispensables pour donner de la substance et de la crédibilité au roman. L’intrigue doit tenir la route, elle sert surtout à donner envie au lecteur d’en savoir plus et de tourner les pages. Après, il y a tout l’aspect psychologique. J’aime bien travailler sur les relations humaines, mettre en scène des personnages complexes. Ce qui est intéressant dans le roman, c’est qu’il part de gens ordinaires et progressivement, en lien avec l’intrigue, ils vont se surpasser, devenir extraordinaires. Ce travail de construction est très intéressant.
L’intérêt du roman, c’est qu’on peut forcer le trait du rapport à la vie de tous les jours et aux gens qu’on rencontre tous les jours. On va créer un monde virtuel qui va bien au-delà de la réalité de nos quotidiens.
Les femmes sont toujours des personnages centraux.
Oui, ce sont des femmes souvent indépendantes, des femmes fortes, des femmes intelligentes et entreprenantes.
J’aime bien faire redécouvrir la femme qui se cache derrière le masque qu’elle porte dans la fonction qu’elle exerce. À nouveau, de par mon activité, j’ai rencontré de nombreuses femmes actives à des niveaux élevés dans les entreprises, dans différents domaines. Cela me plaît de gratter un petit peu la façade et de retrouver la femme derrière la femme puissante.
Avez-vous de la sympathie pour Melania, l’héroïne de La fille de diamant ?
Oui, bien sûr, un écrivain a de la sympathie pour ses personnages. Et c’est ce qui est intéressant aussi quand on écrit un roman, c’est qu’à un moment donné, on vit un peu avec ses personnages au quotidien. Ils viennent vous habiter, ils font partie de votre quotidien.
Il y a une forme de symbiose avec ces personnages qui se crée au fur et à mesure qu’on les construit, de la complicité. Même pour les personnages qui ont le rôle du méchant.
L’un d’entre eux a-t-il été plus difficile à abandonner à la fin du roman ?
A chaque fois, une certaine nostalgie s’installe une fois le livre terminé. On pourrait comparer cela à une forme de baby blues. Je crois que j’ai bien aimé tous mes personnages.
Mélania est une femme touchante. J’ai voulu montrer dans ce roman le destin des femmes des pays de l’Est après la chute du mur. Elles ont dû faire preuve de beaucoup de volonté et certaines étaient quasiment prêtes à tout pour s’en sortir.
Dans tous vos romans, les personnages féminins ont plus de relief que les personnages masculins.C’est vrai, l’homme n’a pas forcément le bon rôle dans mes romans. Il est souvent manipulé, un peu naïf, amoureux, mais il se fait balader. En y réfléchissant, c’est une typologie que l’on retrouve dans mes quatre romans. Peut-être parce que j’ai été toujours été fasciné par les femmes puissantes, ambitieuses, entreprenantes, indépendantes.
Dans La fille de diamant, Tim semble plus résigné que manipulé.
C’est vrai, il a son petit business qui tourne et cela lui convient. D’ailleurs, l’autre personnage principal, Igor Petrakov, le secoue un peu en lui disant : « Tu manques d’ambition, je vais te développer ta boîte. »
En fait, Tim est quelqu’un qui se contente un peu de ce qu’il a. Il va se faire embrigader par la suite dans une tout autre histoire un peu par paresse. Il n’est pas naïf, mais il faudrait réagir, ce serait un effort. Il va tout de même se révéler vers la fin. Il va prendre un peu un statut de héros.