PAR ANNA GREEN
Des petites tables noires, des bouquets de fleurs fanées, des portraits implacables et toujours ces couleurs sourdes et une lumière un peu étrange. La peinture de Marie-Hélène Clément est forte, radicale, contemporaine. L’espace Arlaud, à Lausanne, présente une rétrospective des œuvres de cette artiste vaudoise décédée en 2012 à l’âge de 94 ans.
Enfant insoumise, mais aussi intelligente et intuitive, Marie-Hélène n’aime pas l’école et préfère la compagnie des animaux à celle des ses camarades. A 16 ans, elle est certaine de vouloir devenir peintre et apprend le métier auprès de son père Charles Clément, peintre à succès. Elle est aussi encouragée par René Auberjonois, dont elle admire plus encore l’esprit vif et caustique que la peinture. Mais « elle partage avec lui cet intérêt pour la simplicité, l’originel, le naturel qui ne laisse place à aucun embellissement » écrit Caroline Kessler dans la monographie qu’elle lui consacre (1).
Marie-Hélène Clément choisit ses modèles dans son environnement, dans sa réalité quotidienne. Une chaise, une petite table – souvent noire avec le tiroir ouvert-, un bol, des morceaux de courges. Les motifs de ses natures mortes se répètent pendant des années. Mais elle traite les objets comme des personnes, leur donne vie, leur insuffle une puissance remarquable.
On retrouve cette radicalité dans ses portraits. « Elle a une sorte de position féministe dans sa peinture, analyse Nicolas Riboud, commissaire de l’exposition. C’est-à-dire qu’elle n’a aucune complaisance avec elle-même, ni avec les autres Elle a un regard extrêmement cru, extrêmement vrai, toujours juste, sur les autoportraits d’elle, sur les portraits des amis qui se laissent peindre par elle ».
Déjà reconnue comme un jeune talent prometteur, Marie-Hélène Clément épouse en 1944 le juriste Otto Fehr et s’installe à Zürich. Ils auront trois enfants, ce qui ne l’empêche pas de continuer à pratiquer son art avec passion. « C’est la seule chose de ma vie où il n’y ait pas eu de problème, c’est dans la peinture, a-t-elle confié à la fin de sa vie. Ça faisait tellement partie de moi-même que je n’avais même rien d’autre, rien d’autre, absolument rien d’autre qui m’intéressait »
La peinture de Marie-Hélène Clément connaît un nouvel essor dans les années 80 et elle revient s’installer à Lausanne en 1991. Elle publie alors des récits autobiographiques, mais n’en dit pas davantage sur sa démarche picturale. « La peinture doit parler toute seule, affirmait-t-elle. Ce n’est pas moi qui dois encore l’expliquer encore, c’est vrai ! Mais il faut savoir la regarder, attention. Il y a bien des gens qui ne savent pas la regarder ». Un défi qui résonnera peut-être dans la tête des visiteurs de l’exposition !
(1) Marie-Hélène Clément, présentation par Nicolas Raboud et texte de Caroline Kesser, Editions Till Schaap
Infos:
Exposition
Marie-Hélène Clément, peintre des profondeurs
Jusqu’au 31 mars 2019
Espace Arlaud
2B, place de la Riponne
Lausanne
https://lausanne-musees.ch/fr_CH/expositions/marie-helene-clement-peintre-des-profondeurs
Association Marie-Hélène Fehr-Clément
www.marie-helene.ch