PAR MICHELINE PACE
Enchanteresse et ensorceleuse, la Loire se décline entre paysages sublimes, châteaux, festivales, gastronomie et, bien sûr, vins. Une destination à (re) découvrir.
En voilà une belle idée de vacances d’été ! La Loire, trait d’union entre Auvergne et Rhône-Alpes subjuguait Balzac, qui s’exclamait déjà en ces termes: « (…) la Loire apparaît dans toute sa magnificence. Les innombrables facettes de quelques roulées, produites par une brise matinale un peu froide, réfléchissaient les scintillements du soleil sur les vastes nappes que déploie cette majestueuse rivière. Ça et là des îles verdoyantes se succèdent dans l’étendue des eaux, comme les chatons d’un collier. »
Avec ses reliefs escarpés et verdoyants à perte de vue, le département qui porte le même nom appose son attachement à la valorisation de ses forêts avec ses sentiers taillés pour le vélo ou la randonnée pédestre, ses plateaux vallonnés exhalant des odeurs d’épicéas ou de bruyères agréables aux pupilles et aux papilles. Regorgeant d’étangs, de lacs et de rivières, la Loire – base de la cour itinérante de François 1er – s’entoure de deux monts séparés du plateau granitique – le Forez et le Pilat – qui font office de poumon et où l’on peut se restaurer dans des auberges à la manufacture typique et être hébergés dans des gîtes aussi spacieux que spécifiques par leur décoration tout en découvrant ses foisonnants produits du terroir aux saveurs indélébiles.
Une mini croisière sur le fleuve le plus long de France à bord d’un bateau électrique discret du point de vue sonore et épousant les valeurs de respect de l’environnement reconnues dévoile au plus profond de ses gorges des bâtisses médiévales telles que le château d’Essalois, château de l’île de Grangent, château de Cornillon sans oublier le village haut-perché de la même époque, Saint-Victor-sur-Loire. Avec son apparence de fjord du Forez, les Gorges de la Loire valent vraiment le détour.
L’Estival de la Bâtie
La culture s’invite de manière évidente et comme un must dans cet interminable terreau à portée de ville. Cet été, comme chaque année depuis huit ans déjà, verra se produire un festival des arts vivants dans le majestueux cadre de la Bâtie d’Urfé, ce du 5 au 21 juillet. Classé monument historique en 1912, le château Renaissance sis au cœur de la plaine du Forez accueille le public et les artistes dans une ambiance bucolique et intellectuellement animée. Flanquée par de somptueux jardins « à l’italienne » – fruits de la rencontre de François 1er avec la péninsule italienne au 16e siècle, berceau de la Renaissance (le propriétaire a été ambassadeur de France auprès de la cité éternelle) – la bastille incarne les idéaux philosophiques et artistiques du Cinquecento, une centralisation de la place de l’homme dans l’univers et l’idée d’une responsabilisation qui en découle, accompagnée du fameux principe esthétique de l’« harmonie » en toute chose – géométrie, symétrie et régularité – à l’instar de la règle d’or, selon les canons de l’Antiquité redécouverts à cette époque grâce au travail de traduction et d’interprétation des textes platoniciens. Au programme, trois concerts de musique classique ouvrent le bal – Berlioz, Dvorjak et Ravel avec son célèbre Concerto en sol – ainsi qu’un opéra légendaire, La Flûte enchantée de Mozart. Par son nouvel album Firmamento, la belle blonde aérienne Rocìo Màrquez interprétera le flamenco de manière fidèle et disruptive. La Compagnie Julien Lestel donnera de la voix avec La Jeune fille et la mort ou encore Le Faune, du poème de Mallarmé adapté musicalement par Debussy, le Boléro et le Sacre du Printemps de Stravinsky. Un cirque virtuose en Sol bémol de la Compagnie d’irque & fien amusera les festivaliers. Pascal Amoyel jouera son propre rôle avec son spectacle Le pianiste aux 50 doigts. Le bassin méditerranéen, marque de fabrique de cette 8ème édition, ne saurait se passer de la présence de la figure de proue algérienne Souad Massi. Les apéros-concerts agrémentant chaque spectacle égaieront les corps et les cœurs autant que les flâneries possibles dans les seize parterres de buis et d’ifs s’articulant autour d’une rotonde et de sa fontaine, protégés par des murs crénelés où trône son mythique sphinx.
St-Etienne
Cette mosaïque de sites naturels contrastés engendre une biodiversité inédite à quelques kilomètres dans la jolie petite ville de St-Etienne-Châteaucreux. La métropole stéphanoise (adjectif provenant étymologiquement de ce mot dès le 14e s. – Estefan-Estève-Etienne – et les Stéphane célèbrent leur fête le jour de la St-Etienne, le 26 décembre) présente tous les atouts que peut offrir une ville française moderne pour flâner, bien manger (une chocolaterie réputée sillonne la rue principale), faire son shopping. De plus, elle manifeste un positionnement incontournable pour l’innovation et le design avec comme pôle d’attraction, l’architecture. En atteste la 2e collection d’art contemporain du pays à proximité du site Le Corbusier : le Musée d’art moderne et contemporain jouit d’une renommée bien au-delà des frontières grâce aux expositions de grands artistes. Par exemple, Art conceptuel revisite les concepts de 1968, dont on commémore les 50 ans cette année, selon la devise à la mode à l’époque « L’idée devient une machine à fabriquer de l’art », Valérie Jouve expose Formes de vie et Jean-Michel Othoniel dévoile ses oeuvres Face à l’obscurité (du 19 mai au 16 septembre 2018). À retenir la Biennale Internationale Design qui se déroulera durant un mois entier au printemps prochain !
Les vignobles, le sang de la terre
L’étendue région viticole de la vallée propose en effet divers terroirs dus à la multitude de climats et de sols ainsi qu’à la proximité de … l’eau grâce au long fleuve qualifié communément de royal et ses irrigants affluents. La découverte d’une cave constitue un voyage en soi, une rencontre avec un vigneron et son exploitation, qui vous ouvrira les portes à un univers de passions et de savoir-faire au fil des générations à l’origine de son déploiement. On dégustera les élixirs allant du blanc au rouge, un verre à la main dans le caveau ou en déambulant dans les vignes mêmes. Les domaines de Stéphane Montez, d’Yves Cuilleron, d’Anthony Paret, de Thomas Putman (lieu-dit « chez Favier »), de Christophe Pichon, président de l’AOP Condrieu, des Amphores chez Madame Grenier & fils, présidente de la Confrérie de la Vigneronne, sans oublier le très sympathique bar à vins – Demain les vins – au cœur de St-Etienne où le savoir s’allie à la saveur par les soins de son représentant Mathieu Mondesert.
L’oenotourisme a de beaux jours ! Les initiants « natuels » à l’œnologie que sont les acteurs de la vigne édifient un savoir-vivre hédoniste fondé sur des connaissances techniques et scientifiques. Un même cépage donne un bouquet différent selon le travail du viticulteur et le terroir. De cette observation capitale, l’amateur de vin appréhendera le Condrieu, la Côte Rôtie, le Saint-Joseph avec toutes les distinctions sophistiquées qui s’imposent : le premier – unique cépage viognier – étonne par sa robe d’or avec quelques reflets verts, parfumé à l’odeur florale (violette) ou fruitée (mangue ou abricot) ; le second charme par sa robe rubis à la fragrance d’épices, de fruits rouges ou noirs et de violette ; le troisième ravit le palais et l’esprit par ses arômes de poivre et d’épices mêlées de notes plus minérales pour les rouges ou par l’empreinte du roussanne et du marsanne pour les blancs.
La Chartreuse
On ne peut pas parler de cette belle combe sans s’arrêter à/sur la Chartreuse Sainte-Croix en Jarez, qui aura donné ses lettres de noblesse à la contrée ligérienne au fil des siècles. Niché au sein du Parc du Pilat, le monastère de l’ordre chartreux fondé en 1280 et classé parmi les Plus Beaux Villages de France, il se visite toute l’année avec cette particularité que tout au long de l’été, il est animé par un joli festival de musique. Cette chartreuse, devenue village, garde ses secrets dans la fabrication d’agréables alcools portant le même non (en jaune et en vert). Quelle n’est pas la surprise de tomber sur un chocolat suisse inhibé de chartreuse ! Tout simplement excellent ! Le site historique abrite un gîte bucolique – L’Elixir – où l’on peut imaginer la vie des chartreux tout en savourant les produits du terroir et en échangeant de manière ludique et didactique sur les sujets de la vie.
Infos:
Festival l’Estival de la Bâtie
du 5 au 21 juillet
Expo
Face à l’obscurité
de Jean-Michel Othoniel
du 19 mai au 16 sept.
www.loiretourisme.com