Par Eugénie Rousak
Des odes, des mémoires, des commentaires et des critiques, toutes sont adressées à Genève, dans le nouvel ouvrage, Lettres d’amour et de désamour à Genève (éd. Slatkine) de la Genevoise Valérie Bierens de Haan.
Alors qu’elle contribuait régulièrement aux émissions de vie comme Destins ou encore Temps Présent de la Télévision suisse romande, Valérie Bierens de Haan a décidé de repartir à la cherche de nouvelles histoires genevoises. Cette ancienne journaliste est allée à la rencontre de 66 personnes pour leur demander de s’adresser à la Cité de Calvin. Après un an et demi de travail, son nouvel ouvrage Lettres d’amour et de désamour à Genève a été publié aux éditions Slatkine cet automne. Un peu plus de 300 pages de mots destinés à Genève, terre d’origine, d’accueil ou tout simplement de souvenirs. Échange avec Valérie Bierens de Haan.
Vous avez tracé votre carrière entre la presse écrite et la télévision. Comment êtes-vous devenue auteure ?
Après 15 ans à la Tribune de Genève, j’ai travaillé durant 25 ans à la télévision. Comme l’écriture me manquait grandement, je me suis lancée dans la rédaction de plusieurs scénarios de film, réalisés par la suite. J’ai également conçu des animations qui précédaient des débats politiques. Une fois retraitée, j’ai poursuivi cette passion, en publiant mon premier ouvrage aux Éditions l’Âge d’Homme, Vince Fasciani : Poète de sa vie. Il m’a vraiment lancée sur la voie ! Depuis sept ans, je suis également très active au sein de l’association Carrefour-Rue, qui s’occupe des sans-abris à Genève. Dans ce cadre, j’ai rédigé plusieurs plaquettes et également sorti un livre, Le pari fou des studios mobiles pour parler des logements dans les containers, qui a eu un certain succès. L’écriture m’a merveilleusement accompagnée dans la solitude quand j’ai perdu mon mari, Renato Burgy, il y a sept ans.
Et cette année vous avez publié Lettres d’amour et de désamour à Genève, comment cette idée est-elle venue ?
L’un des travailleurs sociaux de Carrefour-Rue m’a soufflé l’idée d’écrire des lettres à Genève. Comme à une vieille amie, sur les choses que j’appréciais et celles qui me déplaisaient. J’ai débuté par en rédiger deux moi-même, mais rapidement décidé d’élargir le spectre, en demandant la contribution à des personnes qui avaient un attachement particulier à notre ville. Et pourquoi les lettres d’amour et de désamour ? J’aime beaucoup ce format, sur le modèle de François Mitterrand à sa compagne ou celui d’Albert Camus.
A qui avez-vous demandé de rédiger ces lettres ?
J’ai pris mon carnet d’adresses en pensant n’avoir que peu de réponses favorables à ma demande, mais finalement, chaque fois que j’appelais quelqu’un pour lui expliquer l’idée, la personne de l’autre côté du fil était directement emballée. Et il y a eu également beaucoup de bouche à oreille ! J’ai choisi des personnalités qui avaient un rapport privilégié avec Genève, mais sans forcément être genevois, comme par exemple Alain Bittar, directeur de la Librairie de l’Olivier, Carmen Perrin, la sculpteure, qui a entre autres réalisé la porte d’entrée de la gare Cornavin, ou encore Philippe Roch, ancien grand patron de l’environnement à Bern. Au fur et à mesure, j’ai réalisé que la lettre seule ne serait pas suffisante et décidé d’également tracer les portraits de ces personnes. J’ai donc fait 66 rencontres et 66 interviews pour écrire une demi-page sur chacun d’eux. Qu’est-ce qu’il était difficile de synthétiser ces parcours incroyables !
Quelles contraintes ou instructions avez-vous imposées ?
Les personnes avaient une liberté totale avec comme seule instruction le format d’une page à une page et demie à respecter. Ensuite, je n’ai touché à aucune virgule. Finalement, l’ordre alphabétique des auteurs a fait en sorte qu’il y a une bonne alternance dans les longueurs et les styles. Ce n’est pas un livre qui se lit comme un roman, on le feuillette, débutant par les lettres de ceux que l’on connaît pour ensuite découvrir les autres.
Et justement, comment est Genève à travers ces lettres ?
Il n’y a que très peu de lettres radicalement négatives, je dirais même qu’une seule, celle du journaliste Etienne Dumont, un message corrosif de trois pages fort bien écrit. Les autres sont mitigées, un peu d’amour, un peu de désamour, de l’enthousiasme et beaucoup de nostalgie. En conclusion, la Genève pré COVID-19 reste dans le cœur de ceux qui en ont parlé, de ceux qui ont un rapport proche avec elle. L’écrit a été envoyé en décembre 2019, juste avant le déclenchement de la pandémie. Et heureusement, sinon il ne parlerait que de virus, poussant Genève au second plan. Ces lettres donnent du baume au cœur aujourd’hui !
Parmi toutes les lettres, deux sont rédigées par vous. Sur quoi portent-elles ?
Tout à fait, il était important pour moi de jouer également le jeu et d’être ouverte à la critique. La première est une lettre devinette, dédiée à mon arrière-grand-père, Gustave Ador. Par cet écrit je voulais montrer mon encrage à Genève, ce qui est légèrement difficile en s’appelant Bierens de Haan ! Ma seconde lettre est une fiction, un rêve avec un petit chien, qui clôture l’ouvrage. C’était ma façon de dire au revoir à Genève.
Et quelles sont vos lectures du moment ?
J’aime beaucoup le livre de Philippe Labro J’irais nager dans plus de rivières, et j’entame également le dernier ouvrage de Metin Arditi Rachel et les siens. D’une façon plus générale, je lis beaucoup de biographies. Je suis une grande consommatrice de la bibliothèque de la Cité !