L'écrivaine Laure Mi Hyun Croset et Le Beau Monde

PAR MELANIE TAVERNIER

Sud-coréenne d’origine, Laure Mi Hyun Croset a suivi des études de littérature française et d’histoire de l’art à l’Université de Genève. Après quelques années passées à découvrir le monde, elle a posé ses valises à Genève où elle a été tour à tour enseignante, chroniqueuse, correctrice, critique culinaire et agente d’artistes. Puis, à 30 ans : un déclic et l’urgence absolue d’écrire un premier livre, Les Velléitaires, sorti en 2010. Son prochain roman et 6ème opus, Le Beau Monde, sort chez Albin Michel le 7 mars.

Comment s’est faite votre rencontre avec Albin Michel ?
Lors du Salon du livre de Genève 2016, je participe au Dîner des auteurs et rencontre Jean-Christophe Grangé, le célèbre écrivain français, auteur des Rivières pourpres à qui j’offre mon recueil de nouvelles Les Velléitaires. Très vite, il m’appelle pour me dire qu’il l’a adoré et qu’il le transmettra à son éditeur. Puis, tout s’enchaîne comme dans un rêve : le directeur éditorial de la maison Albin Michel me contacte, lui aussi enthousiaste, et me propose un véritable challenge littéraire : écrire un roman polyphonique à la manière des Velléitaires.

De quoi parle ce nouveau roman ?
Il a pour contexte un mariage au cœur de l’aristocratie lyonnaise où la future mariée, genevoise et de basse extraction sociale, ne vient pas. La fête est néanmoins maintenue et donne lieu un bashing collectif. Il me paraissait intéressant d’avoir – à la place d’un personnage qui évoluerait tout au long du roman – une héroïne physiquement absente mais omniprésente grâce aux convives qui en dressent un portrait collectif, contradictoire et subjectif. Au fil de la soirée, les langues se délient, sous la forme de monologues. Les témoignages ne sont jamais vraiment fiables, le lecteur doit faire un véritable travail d’enquête et se forger sa propre opinion de l’absente.

Quelles difficultés avez-vous rencontré pendant l’écriture de ce livre ? Comment les avez-vous surmontées ?
Quantité de difficultés. D’abord, les doutes inhérents à tout type de création et l’envie de ne pas décevoir une grande maison d’édition qui vous fait confiance. Puis, les problèmes techniques liés à la structure même du roman, qui devait bénéficier d’une architecture solide. L’organisation des multiples monologues a représenté un travail minutieux et une relecture au peigne fin, surtout lorsque j’ai décidé de les regrouper selon les sept sacrements afin d’éviter une succession monotone de prises de parole. La temporalité du mariage (de 3h de l’après-midi à 3h du matin) et ses différents moments-clés (cocktail, dîner, after, etc.) ont également dû être savamment orchestrés afin de donner un rythme à ces 200 pages.

Combien de temps a duré l’écriture ?
Il m’a fallu près de 15 mois pour l’écrire, à plein temps, ce qui est un grand luxe. J’ai bénéficié d’une oreille attentive et de beaucoup de bienveillance de la part de mon éditrice. Ses grandes exigences m’ont été très bénéfiques et m’ont permis de progresser.

Entre votre premier ouvrage, Les Velléitaires et Le Beau Monde, sentez-vous une évolution dans votre écriture ?
Oui et non. Non, car chaque ouvrage est toujours comme une sorte d’énigme. On ne sait jamais si on va arriver jusqu’au bout et réussir à la résoudre, et on a toujours les mêmes craintes et les mêmes obsessions. Et oui, car j’ai gagné une certaine confiance en mon travail. Avant, j’avais envie d’écrire « juste » alors qu’aujourd’hui, je veux écrire « mieux ». Un nouveau souffle est arrivé. Je me permets de jouer avec la grammaire et la ponctuation, pour une langue plus personnelle, plus esthétique, plus vivante !

Infos:
Le Beau Monde
par Laure Mi Hyun Croset
Ed. Albin Michel
www.albin-michel.fr

Bibliographie :
2010 : Les Velléitaires, Éditions Luce Wilquin
2011 : Polaroïds, Éditions Luce Wilquin, Prix Ève de l’Académie Romande
2014 : On ne dit pas « je » !, BSN Press
2016 : Après la pluie, le beau temps, Didier
2017 : S’escrimer à l’aimer, BSN Press
2018 : Le beau monde, Albin Michel (sortie le 7 mars)