Le Victoria Hall de Genève accueillera Nikolay Khozyainov, l’un des pianistes les plus talentueux de sa génération. Il sera en concert le 5 juin 2024 et interprétera Scriabine, Liszt, Moussorgski ainsi qu’une création personnelle.
Enfant prodige, Nikolay Khozyainov a débuté le piano à l’âge de cinq ans. Il a rapidement conquis les scènes internationales par sa musicalité, son jeu expressif et sa technique exceptionnelle.
Honoré par l’empereur du Japon, décoré par la famille royale espagnole, il a également reçu la médaille d’or de la paix des Nations unies.
Quelques jours avant de se produire au Victoria Hall, il a répondu aux questions des Genevoises.
Vous avez commencé le piano à 5 ans. Comment cela s’est-il passé ?
Je suis né en Russie dans la partie extrême orientale à la frontière chinoise. Tout près du fleuve Amour qui sépare le Russie de la Chine. Un jour, j’étais dans un magasin de musique. J’ai été fasciné par la musique qui était diffusée. Je passais toutes mes journées dans ce magasin. Une fois, ma mère m’a emmené à l’école maternelle où elle exerçait comme pédiatre. Il y avait une petite salle où trônait un piano. Je me suis mis à jouer à l’oreille. Ma mère m’a ensuite inscrit à une école de musique. Dix mois plus tard, j’ai déménagé avec toute ma famille à Moscou afin que je puisse étudier au Conservatoire de Tchaïkovski.
A quel âge avez-vous donné votre premier concert ?
À l’âge de 6 ans je me suis produit à l’Orchestre philharmonique de Moscou. À 7 ans, j’ai joué à Munich et à Francfort, à 9 ans au Théâtre des Champs-Élysées à Paris, à 16 ans aux États-Unis et à 17 ans aux Nations Unies.
Comment avez-vous vécu votre génie en étant enfant ?
Je ne me suis jamais posé la question. Pour moi, la musique était toute ma vie. Je passais mon temps à jouer, écouter, composer de la musique. Et c’était pour moi une vie normale.
Vous écoutez beaucoup de musique ?
Oui. J’écoute de tout, mais j’apprécie énormément la musique symphonique et les opéras. Enfant, j’allais plusieurs fois par semaine à l’Opéra Bolchoï à Moscou.
Quels sont les artistes qui vous ont le plus influencé ?
Il y a Rachmaninov. Il exprime ses sentiments et son œuvre est très personnelle. Je citerai aussi le pianiste Vladimir Horowitz. Comme chef d’orchestre, j’écoute toujours avec un immense plaisir Ievgeuny Svetlanov et Herbert von Karajan.
Vous vous exprimez très bien français. Combien de langues parlez-vous ?
Plus de dix langues. Je suis fasciné par les cultures différentes. Je lis beaucoup de littérature en langue originale. Surtout de la poésie car elle est très liée à la sonorité. Musique et poésie sont comme deux sœurs.
Qu’en est-il de la pièce intitulée « Fantaisie » que vous avec composée et qui sera présentée en première mondiale le 5 juin?
Il s’agit d’une pièce lyrique. Un jour, le thème m’est venu et j’ai improvisé à partir de là. Elle symbolise pour moi une oasis de beauté. Le morceau nous transporte dans un univers où règne la beauté dans sa forme la plus pure et où la volonté est complètement libre. Je la jouerai également cet été à Tokyo.
Parlez-nous du reste du programme
Je commencerai par la « Troisième Sonate » pour piano de Scriabine. Dès les premières notes, on est entraîné dans un tourbillon d’émotions extrêmes : la joie, la souffrance, le sublime.
J’interprèterai aussi la « Rhapsodie espagnole » de Franz Liszt et ses variations sur des thèmes espagnols. Après l’entracte, je poursuivrai par l’œuvre de Moussorgski, « Tableaux d’une exposition ». La pièce est faite de tableaux musicaux, chacun dépeint une image qui raconte une histoire unique.
C’est une des rares pièces que Moussorgski a écrite pour le piano. Il avait une façon de composer la musique de manière orchestrale. J’aime beaucoup ce morceau car je peux exprimer toutes les couleurs d’un orchestre quand je le joue.
Les trois œuvres datent du XIXe siècle. Pourquoi ce choix ?
Je trouve que ces oeuvres vont bien ensemble. Je donne rarement deux fois le même programme. Je le choisis en fonction du lieu où je me produis, du public et de mes envies. De toute manière, chaque concert est différent. Je suis différent, le public est différent, la salle est différente, le piano est différent.
Justement à propos de piano, vous jouez sur des pianos différents dans chaque salle de concert. Comment se passe cette adaptation ?
Dans chaque salle de concert, il y a plusieurs pianos. Avant le concert, je choisis celui qui convient le mieux aux œuvres que je vais interpréter. Je passe aussi beaucoup de temps avec le technicien pour qu’il puisse faire les adaptations que je lui demande. Le technicien a un rôle très important. Au Japon, j’ai un piano qui me suit durant la tournée.
Que diriez-vous à un pianiste qui voudrait jouer vos compositions ?
Qu’il ne faut pas me copier mais chercher de nouvelles couleurs. L’interprétation est importante et très personnelle. Je reçois parfois des vidéos de personnes qui jouent mes œuvres. Cela me touche beaucoup. Je découvre des choses dans mes compositions que je n’avais pas remarquées.
Infos
Programme
Alexandre Scriabine
Sonate pour piano n° 3, op. 23
Nikolay Khozyainov
Fantaisie (2024) Première mondiale
Franz Liszt
Rhapsodie espagnole
Modeste Moussorgski
Tableaux d’une exposition
Photos Marie Staggat